L’exposition « Pharaon des Deux Terres » au musée du Louvre – France
8 juillet 2022 | On a testé pour vous
Article partenaire avec les Dossiers d’Archéologie
Par Constance Arhanchiague
Vers 720 av. J.-C., Piânkhy, roi de Kouch en Nubie, part à la conquête de l’Égypte. Il fonde la XXVe dynastie, dite kouchite, et crée le royaume des Deux Terres en unifiant l’Égypte et la Nubie. L’exposition événement « Pharaon des Deux Terres. L’épopée africaine des rois de Napata » raconte l’épopée de ces nouveaux rois venus du sud et révèle au grand public des objets spectaculaires, typiques du style artistique très original de cette période. Elle est le fruit de recherches historiques du côté égyptien et de résultats de fouilles récentes au Soudan qui ont permis de rendre accessible cette période à un large public. Au VIIe siècle av. J.-C., une invasion assyrienne met fin à la domination des rois kouchites en Égypte, qui se replient alors au Soudan.
L’épopée des rois de Napata
L’histoire de la XXVe dynastie est avant tout celle de la renaissance d’un royaume, celui de Kouch, apparu au Soudan vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C. Cet État qui a longtemps constitué une menace pour l’État pharaonique, a pris fin au moment de la colonisation égyptienne (vers 1500 av. J.-C.). La culture nubienne ne disparaît pas pour autant et on la distingue encore çà et là, dans les modes d’inhumation, la céramique ou les mentions d’enfants de chefs envoyés auprès du pharaon.
Lorsque l’État égyptien s’effondre à son tour au tournant du XIe siècle av. J.-C., la Nubie retrouve son indépendance. Au VIIIe siècle av. J.-C., Piânky, véritable fondateur de la puissance kouchite, lance une grande campagne militaire qui prend vite l’allure d’une marche victorieuse jusqu’à Memphis, les cités rencontrées se rendant au fur à mesure. Il laisse pourtant en place les roitelets locaux et s’en retourne à Napata.
La XXVe dynastie, qui désigne les rois kouchites reconnus durablement à Memphis, ne débute réellement qu’avec Chabataka en -713. Chabataka (713-705 av. J.-C.) conquiert l’Égypte, éliminant au passage un roi thébain, Iny, et surtout le roi de Saïs, Bocchoris, qui contrôlait tout le nord du pays. On a souvent cru pouvoir déceler une tendance impérialiste dans son règne, mais les rapports diplomatiques avec les Assyriens semblent avoir été plutôt bons.
Le règne de Chabaka (705-690 av. J.-C.), probablement un fils de Chabataka, est bien mieux documenté. Ce dernier lança un programme de constructions remarquables à Thèbes et Memphis, mais fut peu présent en Nubie.
Taharqa (690-664 av. J.-C.), le pharaon le plus emblématique de la dynastie, aurait semble-t-il usurpé le trône de Chabaka. Il mena une politique de travaux monumentale à Napata, Kawa, Thèbes et Memphis. Alors que son autorité est contestée dans le Delta par des dynasties rivales de Saïs et Tanis, il développe un intérêt pour le Levant et suscite des révoltes contre la domination assyrienne en Phénicie. Ceci explique que la fin de son règne soit marquée par plusieurs invasions des Assyriens.
C’est une nouvelle invasion, à Memphis et surtout Thèbes, qui mettra fin à la puissance kouchite en Égypte en -655, sous le règne de Tanouétamani (664-655 av. J.-C.). La XXVe dynastie perdure cependant en Nubie, autour de sa capitale Napata, et reste très influencée par la culture égyptienne.
La renaissance kouchite
Durant la XXVe dynastie, la région thébaine fut au cœur de l’attention des nouveaux pharaons originaires de Napata qui, pendant un demi-siècle, y rénovèrent et édifièrent de nombreux monuments.
Les temples de Karnak
Karnak, principal sanctuaire du dieu dynastique Amon-Rê, connut en particulier de nombreuses transformations sous le règne des rois kouchites.
Comme l’ont révélé les fouilles de Kerma, le dieu égyptien Amon était déjà révéré au Soudan à l’époque de la colonisation égyptienne, jouant possiblement le rôle de passerelle entre les deux cultures pour justifier la mainmise égyptienne sur le territoire nubien. Durant la période napatéenne, les rites qui étaient apparus autour de cette divinité à tête de bélier sont repris et développés, jusqu’à faire d’Amon une figure tutélaire au centre des cultes rendus dans Karnak et dans la capitale religieuse Thèbes.
À Karnak, Chabataka planifia l’agrandissement de la chapelle d’Osiris Heqa Djet, et son successeur Chabaka fit ajouter deux nouvelles portes à l’avant du temple de Ptah ainsi qu’un grand magasin de stockage à l’est de celui-ci.
Si Chabaka marqua durablement de son empreinte la région, le souvenir de son successeur, Taharqa, est aujourd’hui plus encore associé à cette renaissance. À son avènement, le pouvoir napatéen était à son apogée. Taharqa multiplia alors les projets monumentaux au cours de la première décennie de son règne, tout en achevant ceux de Chabaka, comme à Médinet Habou.
Sur la rive nord du lac sacré de Karnak, il fit notamment construire un sanctuaire original dédié à l’aspect solaire d’Amon, Rê-Horakhty, où était célébrée la renaissance quotidienne du soleil, en lien avec les mythes osiriens et ceux se déroulant à Médinet Habou. Ce monument, par l’originalité de son architecture et la richesse de sa décoration, témoigne de l’intense activité intellectuelle de l’époque.
Thèbes, nécropole de l’élite kouchite
Avec l’arrivée des Kouchites au pouvoir, la ville connut une nouvelle phase de splendeur, dont les premières manifestations remontent aux règnes de Chabataka et Chabaka pour connaître son apogée sous Taharqa. Elle fut enrichie de plusieurs monuments culturels et funéraires, sur les deux rives du Nil et occupa de nouveau la place de capitale religieuse qui était la sienne sous le Nouvel Empire.
La nécropole de l’Assassif devint notamment un vaste chantier de construction à l’époque napatéenne pour accueillir les tombes de la nouvelle élite kouchite, véritables palais funéraires uniques dans l’architecture égyptienne.
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Le Djebel Barkal, la « montagne sacrée »
Cette montagne sacrée, énorme massif de grès qui se détache du désert environnant, cristallisa pendant des siècles, et plus particulièrement sous la XXVe dynastie, l’attention des souverains qui y édifièrent à ses pieds temples et palais.
Ce sont les Égyptiens qui pendant la période de colonisation investirent cette masse rocheuse en y reconnaissant la demeure du dieu Amon. Pendant la période napatéenne, les rois kouchites, qui vouaient un véritable culte à cette divinité, multiplièrent le nombre de sanctuaires qui lui étaient consacrés. Certains rois choisirent d’élargir les temples de leurs prédécesseurs, d’autres d’en fonder de nouveaux.
Au sein de cet ensemble architectural colossal se trouve le grand temple d’Amon, inauguré durant le règne de Thoutmosis III, puis agrandi jusqu’à l’époque napatéenne où il deviendra et demeurera le plus grand temple jamais construit au Soudan.
Les chefs-d’œuvre absolus de l’exposition « Pharaon des Deux Terres »
La XXVe dynastie a promu un courant antiquisant très original, qui avait commencé un peu auparavant à la période libyenne et qui va perdurer avec la XXVIe dynastie saïte. Cette mode, qui s’observe dans les thèmes choisis et les productions artistiques, marque la volonté des nouveaux représentants du pouvoir de s’inscrire dans une continuité historique.
Le sphinx de Chépénoupet II
Chépénoupet II, fille de Piânkhy et sœur de Taharqa, occupa la haute fonction de divine adoratrice d’Amon à Karnak pendant plusieurs décennies. De ce fait, elle reçut des prérogatives royales, comme celle d’être représentée en sphinx.
Les rois kouchites de la cachette de Doukki Gel
L’un des temps forts de l’exposition est la présentation de la reconstitution des sept statues monumentales de Doukki Gel, découvertes par l’équipe de Matthieu Honegger et Charles Bonnet en 2003. Ces statues qui représentaient les pharaons Taharqa, Tanouétamani et trois de leurs successeurs, avaient été brisées et remisées dans une fosse. C’est une découverte sensationnelle pour le grand public et plutôt récente à l’échelle des découvertes archéologiques.
Les versions originales sont aujourd’hui conservées au musée Kerma au Soudan. Les commissaires de l’exposition « Pharaon des Deux Terres » ont pris le parti de faire des reproductions sous forme de moulage de ces statues en granit avec des fils dorés.
La statue Horus Posno
Ce bronze de haute taille montre le très grand savoir-faire acquis par les artisans bronziers de cette période. Il appartenait à une composition plus vaste. Horus tend les bras pour verser de l’eau purificatrice d’un vase aujourd’hui disparu. Thot lui faisait face et accomplissait avec lui le rituel de purification pour le roi.
Pour aller plus loin :
Le hors-série Dossiers d’Archéologie sur l’exposition « Pharaon des Deux Terres. L’épopée africaine des rois de Napata » au musée du Louvre, conçu avec Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre, et les contributions des meilleurs spécialistes de la XXVe dynastie et du royaume de Napata en Nubie.
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