L’Hôtel de la Marine à Paris – France

Article partenaire avec les Dossiers de l’Art
Par Jeanne Faton

Hôtel de la Marine

C’est à une véritable découverte du Garde-Meuble de la Couronne, jusqu’alors inaccessible au public, qu’invite aujourd’hui la réouverture de l’Hôtel de la Marine. Ce chantier de restauration de grande envergure a rendu aux appartements du XVIIIe siècle leur circulation initiale et dégagé avec soin la plupart des décors d’origine afin de retrouver l’esprit des lieux.

Plus de trois siècles d’histoire…

L’Hôtel de la Marine n’a d’abord été qu’un palais fantôme, une façade destinée à mettre en valeur le génie à la fois d’architecte et d’urbaniste d’Ange-Jacques Gabriel pour l’aménagement de la nouvelle place à la gloire de Louis XV. Plus de trois siècles d’histoire résonnent aujourd’hui dans ses murs…

Construit au XVIIIe siècle par le célèbre architecte, il abrite d’abord, jusqu’en 1798, le Garde-Meuble de la Couronne. Cette prestigieuse institution est chargée de fournir aux résidences royales le mobilier du plus nouveau goût (meubles, tapisseries, mais aussi des pièces d’orfèvrerie, armes et petits bronzes…) comme le mobilier courant. Les deux intendants du Garde-Meuble de la Couronne, Pierre-Élisabeth de Fontanieu, puis Marc-Antoine Thierry de Ville-d’Avray, y résident dans de somptueux appartements offrant une vue imprenable sur la future place de la Concorde. C’est là qu’eut lieu, en 1792, en pleine tourmente révolutionnaire, l’un des « casses » les plus célèbres de l’histoire : le vol des bijoux de la Couronne, un butin estimé à près de 30 millions de francs…

Après la Révolution, l’ancien Garde-Meuble de la Couronne devient, pendant plus de 200 ans, le siège du ministère de la Marine, auquel il doit son nom actuel. Quatre années de travaux administrés par le Centre des monuments nationaux viennent de rendre à l’hôtel les décors de ses appartements du XVIIIe siècle : une métamorphose qui plonge le visiteur dans les ultimes raffinements de l’art de vivre au siècle des Lumières !

La restauration : quand une cuisine cache des boiseries du XVIIIe siècle…

Comment restaurer un lieu historique dont la vocation a changé au fil des siècles et des besoins de ses nouveaux occupants ? Les marins, s’ils ont cloisonné et badigeonné les pièces du XVIIIe siècle, se sont heureusement révélés être d’excellents conservateurs : ils n’ont rien ou très peu détruit ; sous les nombreux repeints, les boiseries d’origine ont réapparu. La découverte la plus spectaculaire fut celle, derrière une cuisine en inox, des boiseries intactes du petit cabinet de Fontanieu. Commandée à l’ébéniste Jean-Henri Riesener, la table mécanique, chef-d’œuvre du mobilier français, qui s’y trouvait à l’origine et qui était conservée au Louvre, a pu y reprendre sa place, avec le secrétaire à abattant assorti, offert par un généreux donateur.

Parmi les temps forts de cette visite des appartements privés, citons encore la découverte du cabinet des miroirs, écrin précieux et doré, entièrement décoré de miroirs peints de guirlandes et d’angelots, ou encore la salle à manger de l’Intendant : autour du célèbre mobilier de Riesener, les décorateurs Joseph Achkar et Michel Charrière ont dressé une table dans le goût du XVIIIe siècle, en s’inspirant du fameux Déjeuner d’huîtres de Jean-François de Troy, peint pour le roi Louis XV et dans lequel le champagne, boisson nouvelle à l’époque, coule à flots… Un audioguide permet de déambuler dans les différentes pièces au fil d’un parcours théâtralisé offrant une expérience de visite inédite très réussie.

La fête continue avec la Collection Al Thani

Outre les appartements XVIIIe, le public arpente aussi les salons d’apparat du XIXe siècle, plus solennels et plus froids, aménagés pour le ministère de la Marine et restaurés il y a quelques années. Un trésor l’attend enfin dans cet écrin retrouvé que constitue l’Hôtel de la Marine : une sélection de 120 œuvres de la collection du prince Al Thani, présentée à travers une scénographie onirique. Voulant démontrer la force unificatrice de l’art à travers les cultures et les civilisations, l’exposition réunit de somptueux chefs-d’œuvre : la tête d’une figure royale d’Égypte ancienne sculptée dans du jaspe rouge (1475-1292 av. J.-C.), une sculpture chinoise en bronze doré d’un ours assis provenant de la dynastie Han (206 av. J.-C. – 25 apr. J.-C.), un pendentif Maya (200-600 apr. J.-C.) ou encore la coupe de jade de l’empereur moghol Jahângîr (1569-1627). L’éblouissement est au rendez-vous !

Pour aller plus loin :

Le Dossier de l’Art écrit par les meilleurs spécialistes et historiens sur l’Hôtel de la Marine, son histoire et ses collections

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