Chef-d’oeuvre en péril #4 – Londres

Par Flavie Thouvenin

La capitale britannique a le vent en poupe ! Malgré la crise du Covid-19 puis le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, la belle londonienne continue d’attirer les foules : avec plus de 16 millions de visiteurs en 2022, elle se hisse dans le classement des 10 villes les plus touristiques de la planète. Un rayonnement à l’international et une manne financière indéniable pour le pays qui n’est pas sans conséquences sur l’environnement, déjà fragilisé par les effets du réchauffement climatique… En effet, outre la crainte de vagues de chaleur de plus en plus intenses et fréquentes, Londres est surtout sous la menace d’inondations spectaculaires selon les experts qui tirent la sonnette d’alarme. Zoom sur une destination menacée.

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Face à la montée des eaux

« ‘Cause London is drowning and I live by the river* » chantaient déjà les Clash dans leur tube planétaire London Calling en 1979… des paroles fameuses qui prennent aujourd’hui une toute autre saveur. En effet, en 2022, un rapport de l’Agence environnementale britannique estimait qu’un habitant sur six était soumis à un risque d’inondation en raison des fortes pluie et de la montée du niveau de la mer. Un phénomène particulièrement préoccupant pour Londres et sa région qui pourraient être submergées d’ici 2050.

Si les prédictions des spécialistes indiquent que le niveau des océans augmentera de près de 80 cm d’ici 2080, celui de la Tamise progresse lui déjà à hauteur d’environ 4 millimètres par an. Un problème de taille qui n’est pas nouveau – Londres a toujours été sous la menace d’inondations, rapportées depuis l’époque romaine – mais qui tend à s’intensifier. 115 km2 de la capitale sont situés en zone inondable : ses quais, bien sûr, mais aussi les célèbres Downing Street et l’abbaye de Westminster, lieux touristiques majeurs, ainsi que plus d’une cinquantaine de gares et stations de métro… Autre phénomène inquiétant qui n’arrange pas son cas : la ville s’enfonce d’environ 2 millimètres par an.

Le traumatisme de 1953

La menace qui pèse sur la métropole anglaise avait déjà entraîné un premier réveil des autorités, suite notamment au raz-de-marée de 1953. Cette année-là, dans la nuit du 31 janvier au 1er février, les vents déchaînés en mer du Nord provoquèrent une soudaine montée des eaux le long des côtes néerlandaises, belges et britanniques. En résultèrent de spectaculaires inondations – les pires qu’ait connues la Grande-Bretagne au xxe siècle – qui causeront la mort de plus de 300 personnes en Angleterre et en Écosse, outre de considérables dégâts matériels.

Un traumatisme pour le pays qui prend conscience de sa vulnérabilité face à la nature. L’estuaire de la Tamise, en particulier, rivière capricieuse soumise aux vents et marées, devient objet de préoccupation pour le gouvernement. Le rapport Hermann Bondi sur la catastrophe conduit ainsi le pouvoir politique à d’importants investissements afin de protéger les côtes du pays, avec le renforcement du réseaux de digues le long de la mer du Nord ainsi que le lancement d’un grand projet de barrière dans l’estuaire de la Tamise.

La barrière de la Tamise

En aval de Londres, d’étranges colosses de béton et d’acier émergent à l’embouchure des eaux de la Tamise. Ce système d’écluses est la deuxième plus grande barrière du monde contre les inondations (après le barrage de l’Escaut oriental aux Pays-Bas), mise en place pour protéger la capitale et sa région suite au traumatisme de la catastrophe naturelle de 1953. Composée de gigantesques cylindres rotatifs, cette barrière rétractable est fermée en cas de marée exceptionnellement haute – un système qui a fait ses preuves depuis son inauguration en 1982, après plus d’une décennie de travaux.

Initialement prévue pour fonctionner de manière optimale et protéger Londres des eaux jusqu’en 2030, sur la base d’une utilisation 2 à 3 fois par an, elle est activée de plus en plus fréquemment depuis les milieu des années 2000, à raison de 6 à 7 fois par an, ce qui inquiète de plus en plus les experts qui estiment qu’elle pourrait se révéler bientôt insuffisante… Ainsi, l’Agence de l’environnement britannique, mandatée pour inspecter l’infrastructure, considère que des modifications sont nécessaires afin que la barrière puisse continuer à assurer son rôle protecteur dans les décennies à venir.

Un avenir incertain

Si techniquement, la barrière pourrait encore être opérationnelle jusqu’en 2070, les autorités doivent encore statuer sur son sort. Face à la menace de plus en plus prégnante du réchauffement climatique et ses conséquences, l’Agence de l’environnement britannique a été missionnée par le gouvernement avec un objectif clair : prévoir la défense de la capitale d’ici 2100.

Outre le renforcement de la barrière de la Tamise, divers projets sont ainsi à l’étude, comme le rehaussage des berges existantes, la mise en place de nouvelles digues, l’amélioration du système d’évacuation des pluies ou encore la création de zones d’épandage… Autant de projets qui devraient voir le jour dans les prochaines décennies. Les spécialistes bien que méfiants, demeurent malgré tout optimistes, l’hypothèse d’un scénario catastrophe restant encore très improbable. Bien que le défi soit de taille pour limiter les dégâts à venir, Londres n’est pas encore noyée !

*Car Londres se noie et je vis au bord de la Tamise.

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