Une chanson, un pays – Corée du Sud

Corée du Sud Le palais de Gyeongbok-gung Séoul Arirang
Le palais de Gyeongbok-gung, à Séoul © L. Luengo

Arirang, le son de la Corée

Par Flavie Thouvenin

Chant traditionnel plusieurs fois centenaire, Arirang est un monument du folklore coréen, connu dans tout la péninsule comme hors de ses frontières. Rien d’étonnant alors à que ce symbole national soit inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco – par deux fois – : en 2012 pour la République de Corée, au sud, et en 2014 pour la République populaire démocratique de Corée, au nord ! Au restaurant, à bord des bus et des taxis, dans les émissions populaires à la télévision, aux abords des stades : Arirang fait résonner sa mélodie aux quatre coins du Pays du matin calme…

Aux origines : itinéraire d’un emblème national

En réalité, Arirang n’est pas une seule chanson, mais un vers et une mélodie commune dont le reste des paroles se sont déclinées au gré des régions et au fil de l’histoire… On dénombre ainsi aujourd’hui pas moins de 60 versions différentes d’Arirang, comptant elles-mêmes près de 3600 variations ! La version originelle, quant à elle, viendrait de Jeongseon, dans la province de Gangwon (au nord de la Corée du Sud) et remonterait à plus de 600 ans !

Son origine demeure toutefois un peu floue, les spécialistes se disputant plusieurs hypothèses sur l’étymologie de son titre : certains l’attribuent au col Arirang de la région, d’autres y voient une référence à lady Aryong, femme du premier roi du royaume de Silla, quand d’autres estiment qu’il s’agit de la contraction de deux termes « ari » et « rang » que l’on traduirait en français par « mon bien-aimé »/« mon bel amour »). L’histoire qu’elle raconte fait aussi débat : il pourrait s’agir d’une réécriture d’un mythe de la région de Gangwon racontant les aventures d’une jeune femme inquiète pour son fiancé parti en route pour Séoul, mais rien ne permet d’attester la véracité de cette allégation.

Une mosaïque musicale

Si sa création remonterait donc au XIVe siècle, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la chanson gagna en popularité. Ainsi, selon la légende, Arirang aurait été introduite dans la région de Séoul par des travailleurs de Gangwon recrutés en 1867 pour participer à la reconstruction du palais de Gyeongbokgung, sous la dynastie Joseon. Vraisemblablement, l’exode rural la répandra dans tout le pays, donnant naissance à une multitude de versions régionales.

Ainsi, si Jeongson Arirang est la version première, Bonjo Arirang (également appelé Seoul Arirang), originaire de Séoul et sa province, est aujourd’hui la version la plus populaire en Corée du Sud et à l’étranger (« bonjo » signifiant standard), popularisée en 1926 par le succès du film éponyme Arirang. Gyeonggi Arirang, Jindo Arirang, Miryang Arirang… les versions se multiplient au cours du temps, grâce à une composition simple propice à l’improvisation de nouvelles paroles et à son adaptation à divers genres musicaux. En Corée du Nord, elle n’a pas échappé à la propagande d’État, Kim Il-Sung ayant fait modifier ses paroles en un hymne à la gloire de la nation nord-coréenne et son armée, la renommant Gunmin Arirang (Arirang du peuple)…

L’âme de la Corée

Avec son refrain entêtant (« arirang, arirang, arariyo ») et son air nostalgique, Arirang est devenu un symbole fort de l’identité nationale coréenne, au nord comme au sud. De nombreuses variations ont notamment vu le jour sous l’occupation japonaise, en faisant un chant de résistance patriotique face à l’impérialisme nippon. De nos jours encore, Arirang, à travers ses innombrables contributions collectives, continue d’évoquer l’histoire des deux Corées et de son peuple. Elle incarne le « han », ce sentiment caractéristique de « l’essence coréenne », entre tristesse et ressentiment, à l’image de la saudade portugaise.

Entonnée lors des matchs par les supporters de l’équipe de football nationale, elle est source d’inspiration dans la musique mais aussi dans le cinéma, la danse, la littérature… Interprétée par nombre d’artistes coréens, elle inspire aujourd’hui jusqu’aux nouvelles générations. Chant traditionnel mais surtout populaire, elle est souvent désignée comme l’hymne non officiel de la Corée et d’aucun dirait que l’écouter, c’est déjà un peu y voyager…

Écoutez Arirang :

  • Dans une version traditionnelle, interprétée par un orchestre et une chorale de jeunes femmes en hanbok, le costume traditionnel coréen :
  • Par l’orchestre philharmonique de New York, lors d’une visite à Pyongyang en Corée du Nord, 2008 :
  • Jeonson Arirang version jazz, chantée par la chanteuse de jazz sud-coréenne Nah Youn-Sun :
  • Par la jeune chanteuse IU, très populaire en Corée du Sud :
  • Reprise par le groupe de pop coréenne BTS, aujourd’hui superstars de la scène pop internationale :

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