1 voyage, 3 regards – Tunisie

Article originellement publié dans le Arts et Vie Plus #153 – Automne 2018

La Tunisie, joyau ensoleillé de l’Afrique du Nord, dévoile un mélange fascinant de richesses culturelles, d’histoire millénaire et de paysages variés. Des cités antiques qui résonnent encore des échos des Carthaginois aux médinas animées parsemées de ruelles sinueuses, le pays offre une immersion captivante dans le passé tout en embrassant le présent avec une hospitalité chaleureuse. Partons à la découverte de ce pays où le patrimoine ancien se mêle à la modernité, où le désert laisse place à la mer, et où chaque recoin offre une invitation à l’émerveillement.

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Mosaïques romaines

L’empire romain s’établit sur le sol tunisien au terme de trois guerres puniques visant à anéantir la cité-État de Carthage qui lui faisait de l’ombre en Méditerranée. Une fois débarrassée de l’encombrante rivale (en 146 av. J.-C.), Rome entreprit de fonder sa “province d’Afrique” en construisant moult villes florissantes. La Tunisie a hérité de cette époque des vestiges de grande valeur parfaitement conservés.

L’art de la mosaïque, en particulier, s’y est illustré avec un talent remarquable mêlant verve ornementale, sens des couleurs, ampleur et originalité des compositions. Le musée national du Bardo, à Tunis, abrite ainsi l’une des plus riches collections de mosaïques romaines au monde. Celles-ci proviennent de différents sites antiques du pays (Carthage, Hadrumète, Dougga, Utique) et offrent un témoignage saisissant de la vie quotidienne en Afrique romaine : scènes rurales, de chasse et de pêche, jeux du cirque, banquets ou encore célébration de la poésie, tel le fameux portrait du poète Virgile entouré de deux muses, considéré comme un joyau unique.

Le musée archéologique de Sousse livre lui aussi un panorama éloquent de cet art décoratif que la Tunisie n’a d’ailleurs jamais cessé de cultiver au fil des siècles, tandis que celui d’El Jem, petite ville située aux portes du Sahel, en fournit une autre illustration exceptionnelle avec ses pavements polychromes issus des riches villas de l’antique Thysdrus. Pour tous les amoureux de mosaïques, le pays du jasmin est une terre d’élection.  

Kairouan, ville sacrée

La conquête arabe s’est affirmée à partir de 670 avec la création de Kairouan en plein centre du pays, à mi-chemin entre mer et montagne, entre villes byzantines du Nord et populations berbères du désert. Capitale de l’Ifriqiya jusqu’au XIIe siècle (Tunis lui succède alors dans cette fonction politique), la cité constitua un lieu de diffusion majeur de la civilisation arabo-musulmane. Elle est classée au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1998. Sa médina, entourée de remparts sur trois kilomètres, abrite en effet au détour de ruelles et d’échoppes colorées des monuments exceptionnels.

Parmi eux, la Grande Mosquée, ou mosquée Oqba Ibn Nafi, est l’un des plus vieux lieux de culte musulman. Largement agrandie au IXe siècle, elle devint une source d’inspiration dans tout le Maghreb notamment par l’éventail de ses motifs décoratifs. Ses proportions sont impressionnantes : elle couvre une superficie de 9000 m2 et la salle des prières est soutenue par 400 colonnes de marbre. La mosquée des Trois Portes, édifiée à la même époque, possède quant à elle la façade sculptée la plus ancienne de l’islam. Les bassins des Aghlabides, également contemporains, attestent du remarquable ensemble hydraulique qui fut conçu pour approvisionner la ville en eau. Kairouan demeure aujourd’hui la première ville sainte du Maghreb et la quatrième du monde musulman après La Mecque, Médine et Jérusalem. Elle doit son nom à la route des caravanes (qayrawan en arabe) qui l’a traversée pendant de longs siècles.

Les ksour, étonnants greniers à grain

Le sud-est tunisien, dans la région de Tataouine, fait émerger des constructions singulières à la silhouette séduisante : les ksour. Dignes d’un décor de conte de fées, leur vocation est pourtant très pragmatique. Ce sont des greniers collectifs édifiés en pierres sèches et souvent recouverts d’un enduit ocre. Ils pouvaient être destinés à une ou plusieurs tribus, berbères ou arabes.

Ils sont composés d’un ensemble de cellules — les ghorfas — qui s’étagent sur différents niveaux, parfois jusqu’à dix mètres de haut, évoquant les alvéoles d’une ruche. Chaque cellule du dernier étage est ponctuée par un dôme. Les ksour servaient à stocker des denrées (céréales, olives) en prévision de périodes de sécheresse et assuraient leur sécurité pendant les saisons de transhumance. Ils sont généralement pourvus d’un couloir permettant d’accéder à une cour qui était un lieu de vie sociale et de transactions commerciales. Certains faisaient aussi office de citadelle : édifiés sur des éperons rocheux, en surplomb de villages troglodytiques, ils étaient utilisés comme refuges par les habitants lors d’incursions hostiles. Ceux de Douiret et Chenini sont ainsi construits sur des sites imprenables.

On dénombre une centaine de ksour dans le Sud tunisien et les plus anciens sont âgés de dix siècles. Leur fonction agricole ayant disparu depuis quelques décennies, le pays s’interroge aujourd’hui sur les meilleures façons de sauvegarder ce patrimoine si spécifique.

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